Jean Druel, « Milan, Kazan, Londres et Jérusalem : un codex du Kitāb de Sībawayh, dépecé aux quatre coins du monde », dans : Acta orientalia belgica 36 (2023), pp. 383‒395.
Archives des mots-clés : Druel
Un mot d’explication sur la langue et la grammaire du Coran
Dr. Abd al-Hakim Radi, Professeur de littérature arabe, de critique littéraire et de rhétorique à la Faculté des sciences humaines de l’Université du Caire et membre de l’Académie de la langue arabe au Caire
Frère Jean Druel, directeur de l’Idéo et chercheur en histoire de la grammaire arabe
Mardi 10 septembre 2019
Lors d’une conférence qu’il a donnée au mois de novembre dernier, le frère Jean Druel a esquissé une histoire de la langue arabe, en lien avec les autres langues sémitiques. Il a abordé la question du statut de la langue du Coran et son lien avec les autres phases historiques de la langue arabe, mettant en avant quelques-unes des spécificités de chacune de ces phases successives qui coexistent aujourd’hui dans l’usage.
Lors de ce séminaire, le Dr. Abd al-Hakim Radi a souhaité répondre à cette conférence du frère Jean, en s’attardant en particulier sur le statut de la langue du Coran et de son éloquence spécifique, qui culmine dans la question du miracle linguistique du Coran. Il a également abordé la question de la grammaire normative de la langue arabe et de son autorité pour juger la langue coranique. Il a expliqué que ce qui, dans le Coran, violait les règles de la langue arabe pouvait recevoir une justification authentiquement arabe, sans aucune contradiction grâce à la flexibilité de la langue arabe et à la diversité de ses dialectes anciens, qui sont tous authentiquement arabes et éloquents. Il a aussi expliqué que les savants musulmans ont largement traité de ces questions dans le passé.
Au final, la différence entre les deux chercheurs est que le frère Jean Druel aborde ces différents états de la langue arabe du point de vue de leur succession historique tandis que Dr. Abd al-Hakim Radi considère cette diversité linguistique au sein d’une langue unique sans histoire et sans développement.
Le dialogue islamo-chrétien sur la sellette
Jean Druel, « Le dialogue islamo-chrétien sur la sellette : et si nous avions des attentes réalistes ? » dans La culture du dialogue dans les relations inter-religieuses, sous la direction de Charles Coutel, Christophe Leduc et Olivier Rota, Les Plans-sur-Bex : Parole et silence, 2018, pages 171‒176.
Le mot āmīn en arabe
Jean Druel
Directeur de l’Idéo
Mardi 7 novembre 2017
Dans son bref traité intitulé Une lueur dans le débat sur le mot āmīn utilisé dans la supplication et ses règles en arabe, Ibn al-Ḫaššāb al-Baġdādī (m. 567/1172) présente l’état de l’art de la connaissance grammaticale sur le mot āmīn à son époque. Tous les grammairiens reconnaissent que āmīn n’est pas un mot arabe mais hébreu (ou persan, ou syriaque), alors même qu’il est bien attesté dans le Ḥadīṯ : le Prophète et ses compagnons concluaient la récitation de la première sourate, al-Fātiḥa, par āmīn. Cette situation a provoqué la curiosité des commentateurs coraniques et des grammairiens, qui ont étudié les questions suivantes : la validité des deux formes, longue et courte (āmīn et amīn) ; la catégorie grammaticale à laquelle appartient āmīn ; sa signification ; et la possibilité que āmīn soit un nom de Dieu.
Les grammairiens se sont mis d’accord pour analyser āmīn comme un ism fiʿl « nom de verbe » (une catégorie renvoyant aux noms propres des verbes, voir Levin 1991), en s’appuyant sur un commentaire de Muǧāhid (m. 104/722) et ʿIkrima (m. 105/723) selon lequel le duel dans le verset Qad uǧībat daʿwatukumā (Q10, Yūnus, 89) désigne l’invocation de Moïse et d’Aaron, et que l’invocation d’Aaron se résumait à āmīn. Afin que āmīn soit une invocation, il faut que ce soit une phrase complète. Cela signifie que le mot āmīn est comparable à ṣah « chut ! », qui est un « nom de verbe » dont le sens est l’impératif « Tais-toi ! » Les grammairiens ont donc interprété āmīn comme étant un « nom de verbe », et sa signification est Allāhumma staǧib « Seigneur, réponds ! »
Enfin, bien que quatre ḥadīṯs transmis par Hilāl b. Yasāf (ou Yisāf), Muǧāhid et Ḥakīm b. Ǧābir mentionnent que āmīn est un nom de Dieu, cela est contesté par Abū ʿAlī al-Fārisī (m. 377/987) et Ibn al-Ḫaššāb (m. 567/1172), mais pour des raisons différentes. Le premier dit qu’un nom invariable ne peut pas être un nom de Dieu, tandis que pour le second, c’est parce que āmīn est une phrase complète qu’il ne peut pas être un des noms de Dieu.
Je crois en Dieu ! — Moi non plus
Jean Druel, Je crois en Dieu ! — Moi non plus, Paris, Éditions du Cerf, 2017, 160 pages.
Introduction aux principes du dialogue interreligieux
Le drame de notre époque, c’est qu’elle a cru qu’en faisant taire les religions et les croyants elle aurait la paix. Elle a pensé que l’étude historique des dogmes et des pratiques allait neutraliser le potentiel de violence des religions. Or c’est le contraire qui est arrivé. Plus que jamais, nous avons besoin de dialoguer, de se confronter à nos propres croyances et à nos propres récits. De devenir adultes dans la foi, libres et heureux d’être différents. Si l’on respecte quelques règles simples, comme celle de prendre au sérieux son interlocuteur, de l’écouter jusqu’au bout sans s’énerver, et de dire vraiment ce qu’on pense, on peut dépasser nos peurs réciproques et vivre mieux ensemble. Si ce livre peut vous mettre sur cette voie, il aura réussi son pari.
Acheter ce livre sur le site des Éditions du Cerf.
La réception du Kitāb de Sībawayh en Occident
Jean Druel
Septembre 2015 ‒ septembre 2020
Dans sa thèse de doctorat (1992, publiée en 1995 sous le titre Les voies de la transmission du Kitāb de Sībawayhi, Brill) Geneviève Humbert a révélé l’existence d’un parchemin d’Afrique du Nord (Kairouan ?) du Kitāb de Sībawayh, daté probablement du 5e/11e siècle. C’est un parchemin très rare qui contient en gros un sixième du Kitāb (les chapitres 327 à 435 de l’édition Derenbourg).
Geneviève Humbert a étudié de façon très détaillée l’histoire de la transmission du Kitāb, aussi bien en Orient qu’en Occident et, selon elle, ce parchemin contient une version du Kitāb assez différente de la version « officielle » mise en circulation par al-Mubarrad (m. 285/898). En particulier, il semble que le « corpus canonique des gloses internes » que l’on trouve dans tous les autres manuscrits n’ait pas intégré son matn.
Voici, toujours selon Geneviève Humbert, les noms des grammairiens andalous qui ont joué un rôle important dans la transmission du Kitāb en Occident.
- Abū ʿAbd Allāh Muḥammad b. Yaḥyā al-Rabāḥī (m. 358/969) qui a rapporté en Andalousie un exemplaire du Kitāb qu’il avait lu au Caire devant Abū al-Qāsim Ibn Wallād (le frère d’Abū al-ʿAbbās, m. 332/944) et Abū Ǧaʿfar al-Naḥḥās (m. 338/950?).
- Abū Naṣr Hārūn b. Mūsā (m. au début du 5e/11e siècle), qui a étudié avec al-Rabāḥī (m. 358/969) et Abū ʿAlī al-Qālī (m. 356/967), et dont la version du Kitāb a beaucoup circulé en Andalousie.
- Abū Bakr ʿAbd Allāh b. Ṭalḥa al-Yābūrī (m. 517/1123) qu’al-Zamaḫšarī (m. 538/1144) a rencontré à la Mecque et avec qui il a comparé son exemplaire du Kitāb.
- Ibn Ḫarūf (m. vers 609/1212) a trouvé l’exemplaire d’Abū Naṣr Hārūn b. Mūsā et l’a comparé avec un exemplaire personnel d’Abū ʿAlī al-Fārisī (m. 377/987) qu’il avait trouvé en Syrie.
Dans cette recherche, Jean Druel ne s’intéressera pas à la transmission du texte comme le fit Geneviève Humbert, mais aux enseignements grammaticaux qu’on peut tirer de cette différente version du texte. Ce parchemin particulier contient-il des lectures significativement différentes ? Jette-t-il une lumière nouvelle, non pas seulement sur la réception du Kitāb, mais sur les enseignements de Sībawayh ?
Ibn Manẓūr (711/1311), le Lisān al-ʿArab ou le génie de la compilation
Jean Druel
Docteur en linguistique arabe
17 mars 2015
Le corpus linguistique arabe classique étant pratiquement clos au 4ᵉ/10ᵉ siècle, les lexicographes arabes postérieurs ont pu déployer leur art dans la compilation exhaustive des mots de la langue.
Jean Druel, o.p.
Jean Druel est français et vit au Caire.
Après un Master de théologie et de patristique copte (L’expérience spirituelle de saint Pachôme…, Institut catholique de Paris, 2002), il a suivi une formation de professeur d’arabe à l’Université américaine (Master obtenu en 2006, Emphatic sounds in educated Cairene Arabic).
En 2012, il a soutenu sa thèse de doctorat en histoire de la grammaire arabe à l’Université de Nimègue, aux Pays-Bas, sous la direction du Pr. Kees Versteegh (Numerals in Arabic grammatical theory).
Il a dirigé le Projet des 200 (2013‒2016), projet dont le but était la contextualisation historique des œuvres de 200 auteurs du patrimoine arabo-musulman. Il a ensuite dirigé l’Idéo de 2014 à 2020. Il travaille actuellement à l’étude d’un manuscrit inédit du Kitāb de Sībawayh (180/796?).
- Lui écrire : .
- Voir ses publications sur ce site.
- Voir sa notice d’auteur et sa liste de publications sur AlKindi.
Publications en grammaire arabe :
- 2006 : Emphatic sounds in educated Cairene Arabic: What to teach to AFL students? MA Thesis. American University in Cairo.
- 2008 : co-authored with René-Vincent du Grandlaunay. Nisba. In: Encyclopedia of Arabic language and linguistics (Vol. 3: Lat‒Pu). Leiden: Brill. 377‒381.
- 2012 : Numerals in Arabic grammatical theory. PhD thesis. Nijmegen University.
- 2012 : The proper name Aḥmar : A morphological discussion in the 2nd‒4th centuries AH. MIDÉO 29. 51‒60.
- 2013 : How to deal with contradictory chapters in the Kitāb of Sībawayh? Les cahiers du MIDÉO 6. 73‒91.
- 2015 : Why is it difficult to date when qalqala became unintelligible to Qurʾānic reciters and grammarians. Arabica 62. 19‒52.
- 2015 : What happened to the grammar of numerals after Sībawayhi? Amal E. Marogy and Kees Versteegh (editors). The Foundations of Arabic Linguistics II. Leiden & Boston: Brill. 81‒99.
- 2018 : Blind spots in Raḍī al-Dīn al-Astarābāḏī’s grammar of numerals. Georgine Ayoub and Kees Versteegh (editors). The Foundations of Arabic Linguistics III. Leiden & Boston: Brill. 96‒114.
- 2018 : The Kazan parchment fragments of Sībawayh’s Kitāb. Гасырлар авазы (= Эхо веков) 90/1. 14‒26.
- 2019 : Can Ambrosiana X 56 Sup improve our understanding of Sībawayhi’s grammar? Manuela E. B. Giolfo and Kees Versteegh (editors). The Foundations of Arabic Linguistics IV. Leiden & Boston: Brill. 133‒156.
- 2019 : co-authored with Almog Kasher, “Though this be madness, yet there is method in’t”: The mamnūʿ min al-ṣarf (diptotes) in Arabic grammatical tradition. Arabica 66. 98‒136.
- ٢٠١٩ : «كتاب سيبويه: دراسة كوديكولوجية لنسخة (كوفية؟) مفرّقة بين ميلانو وقازان ولندن» (نقلها إلى العربيّة تامر الجباليّ من مقال …The Kazan parchment fragments). مجلّة معهد المخطوطات العربيّة، المجلّد ٦٣ الجزء الأوّل (رمضان ١٤٤٠ھ/مايو ٢٠١٩م)، ٢٤٤‒٢٧٧.
- ٢٠١٩ : تمّ تأليفه مع السيّد/ يوسف السنّاريّ، «كتاب سيبويه بين أيادي المستشرقين والعرب». تراثنا: النشر الرقميّ باعتماد معهد المخطوطات العربيّة (السلسلة الثقافيّة؛ ٢٥). السنة الثانية، ذو القعدة ١٤٤٠/يوليو ٢٠١٩.
- 2020 : A sparkle in the debate about the word ʾāmīn used in supplication and its rules in Arabic, by ʾAbū Muḥammad Ibn al-Ḫaššāb (d. 567/1172), an annotated translation. Beata Sheyhatovitch & Almog Kasher (editors). From Sībawayhi to ʾAḥmad Ḥasan al-Zayyāt: New angles on the Arabic linguistic tradition. Leiden & Boston: Brill. 123‒140.
- 2020 : The Kitāb Sībawayh of ʾAbū al-Ḥasan ʾAḥmad b. Naṣr: A non-Sīrāfian recension of the Kitāb. Zeitschrift für arabische Linguistik 71. 29‒56.
- 2022: écrit avec Ilyass Amharar. ‘A little Yesterday’: The ‘canonical’ text of Sībawayh’s teaching confronted to two unedited manuscripts of the Kitāb. Francesco Binaghi and Manuel Sartori (editors). The Foundations of Arab Linguistics V. Leiden & Boston: Brill. 37‒51.
- 2023: Milan, Kazan, Londres et Jérusalem : un codex du Kitāb de Sībawayh, dépecé aux quatre coins du monde. Acta Orientalia Belgica 36. 383‒395.
- (à paraître) : Not that ʾAbū al-Ḥasan!: Witnessing the death of two recensions of Sībawayh’s Kitāb through their glosses. The Foundations of Arab Linguistics VI. Leiden & Boston: Brill.
- (à paraître) : Ibn Manẓūr (d. 711/1311). Muhammad A. S. Abdel Haleem, Mustafa A. A. Shah (Editors). The I. B. Tauris Biographical Dictionary of Islamic Civilization. London: I. B. Tauris.