En finir avec la tolérance ?

ToléranceAdrien Candiard, En finir avec la tolérance ? Différences religieuses et rêve andalou, P.U.F., Paris, 2014, 108 p.

La place importante de l’islam dans l’Europe d’aujourd’hui vient bouleverser le modèle de tolérance hérité des Lumières, fondé sur la mise à l’écart des vérités religieuses jugées nécessairement irrationnelles. De cette tolérance, al-Andalus apparaît souvent comme le modèle : sous la conduite de penseurs rationalistes, comme Averroès, l’Espagne musulmane médiévale serait parvenue à l’harmonie entre les religions, au prix d’une séparation nette entre les croyants.
Au-delà des imprécisions historiques propres aux mythes, cette légende se trompe sur l’essentiel. Car l’Espagne médiévale est d’abord un lieu où l’on discute avec passion de la vérité des doctrines religieuses ; si l’on y dialogue, si l’on y traduit, si l’on y polémique, c’est que chacun pense avoir raison et pouvoir en convaincre l’autre.
La véritable leçon de l’Andalousie, pour nous, est peut-être là : le véritable respect ne cherche pas à gommer les différences pour parvenir au consensus. Il serait alors urgent de faire revenir les questions religieuses dans le cercle de la raison, dont on les a exclues un peu hâtivement.

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Théorie de la connaissance et polémique religieuse chez Ibn Ḥazm al-Andalusī

Adrien Candiard

Doctorant en islamologie, École pratiques des hautes études, Paris

icon-calendar Mercredi 15 juin 2016

20160615_Seminaire_Adrien_CandiardLa théorie de la connaissance du théologien et juriste andalou Ibn Ḥazm (m. 456/1064) peut sembler paradoxale au premier abord. D’un côté il est un fervent défenseur du recours à la raison dans la discussion théologique et d’un autre il fait une lecture littéraliste des textes révélés et transmis.

En réalité, Ibn Ḥazm reprend à son compte la théorie de la connaissance d’Aristote, fondée sur des axiomes et sur la démonstration logique de nouvelles connaissances à partir de ces axiomes, à la différence qu’il considère le donné révélé comme des axiomes, non pas comme des connaissances qui doivent être testées par la raison.

La conséquence logique de cette théorie de la connaissance est que la preuve démonstrative est la raison elle-même, et pas son exercice, qu’il n’y a plus de différence entre la foi et la connaissance, entre Dieu et la connaissance de Dieu, et plus généralement entre la science et la simple accumulation de connaissances.

Pour Ibn Ḥazm, si le non musulman ou le musulman hérétique refuse la démonstration de la vérité de l’islam, il ne peut donc être que menteur ou hypocrite, car sa propre raison lui indique nécessairement que l’islam est la vérité.

Muḥammad ʿAbduh (1849/1905), historien du déclin de l’Islam

Adrien Candiard

Ancien élève de l’École normale supérieure, Paris

icon-calendar 16 juin 2015

CandiardMuḥammad ʿAbduh identifie dans les faits l’islam et la raison, et lui oppose la tradition conçue comme une répétition. Il est en cela héritier des Lumières et de leur prétention à avoir inventé l’unique raison universelle, ignorant la pluralité des types de rationalité.

Adrien Candiard, o.p.

photo Libé1Adrien Candiard est français et vit au Caire.

Après une formation en histoire et en sciences politiques, il a rejoint l’ordre dominicain en 2006.

Après sa formation en théologie, il est arrivé en Égypte en 2012. Il y a obtenu un master en islamologie à l’Université américaine du Caire, et rédige aujourd’hui un doctorat auprès de l’École pratique des hautes études (Paris).

 

Ses recherches portent sur la théologie musulmane classique (kalām) et les relations entre raison et révélation en islam. Il est notamment l’auteur de En finir avec la tolérance ? Différences religieuses et rêve andalou (Paris, PUF, 2014) et de Comprendre l’islam. Ou plutôt : pourquoi on n’y comprend rien (Paris, Flammarion, 2016).