Les plans de la cité des morts au Caire

Ahmed Gomaa

Docteur de l’Université d’al-Azhar

icon-calendar Mardi 28 novembre 2017

 La ville du Caire a cette particularité étonnante d’inclure des quartiers de cimetières dans lesquels on trouve aussi des mosquées, des écoles coraniques, des hammams et des palais, ce qui émerveille Ibn Ǧubayr (m. 614/1217) dans sa Riḥla. Cette situation qui a commencé par un concours de circonstances à l’époque fatimide, à partir du 4ᵉ/10ᵉ siècle, est devenu un choix conscient avec les Mamlouks, qui y construisent délibérément des maisons au calme à partir du 7ᵉ/13ᵉ siècle.

Ceci explique l’existence d’un genre littéraire très particulier, qui n’a existé qu’au Caire, et qui consiste en de véritables « guides touristiques » de ces quartiers des morts, appelés qarāfa (pluriel qarāfāt) en arabe égyptien, probablement en référence à la tribu des Banū Qarāfa venue s’y installer auparavant. Ils sont différents des kutub al-ziyārāt (« livres des visites ») que l’on retrouve dans d’autres parties du monde musulman, en particulier parce qu’ils n’abordent jamais la question juridique de la licéité de ces visites, mais qu’ils se limitent à la description des tombes et autres bâtiments, et à la biographie des personnes enterrées.

On recense 25 de ces ouvrages, rédigés entre 6ᵉ/12ᵉ et le 13ᵉ/19ᵉ siècles, dont seulement une partie nous est parvenue. Ils sont organisés soit géographiquement, tombe par tombe, dans l’ordre de la visite, soit par catégories de morts, les savants, les mystiques, les sages-femmes…, soit par année de mort. Le plus célèbre de ces ouvrages est probablement le Kitāb al-kawākib al-sayyāra d’Ibn al-Zayyāt (m. 805/1402).