Aziz Hilal
Docteur en philosophie arabe
Mardi 25 octobre 2016
Dans son Kitāb al-ǧadal, al-Fārābī (m. 339/950) évoque une « quatrième philosophie ». Par cette expression, il entend une philosophie qui soit adaptée aux non-spécialistes, qu’ils soient des techniciens d’un art particulier (médecine, grammaire, poésie…) ou de simples gens du commun (al-ǧumhūr). À la différence des trois premières philosophies (métaphysique, philosophie pratique et logique), cette quatrième philosophie s’appuie sur des prémisses communément admises (al-mašhūrāt), c’est-à-dire sur l’héritage culturel et moral commun (« la justice est meilleure que l’injustice », « l’usure est un péché », « il faut honorer ses parents »…) En d’autres termes, tout philosophe qui doit enseigner la vérité à des non-philosophes doit passer par les « sciences locales » largement partagées par eux. Cette quatrième philosophie est politique par essence et changeante. Elle est fondamentalement une pédagogie et grâce à elle, la dialectique (al- ǧadal) n’est plus considérée comme une propédeutique à la philosophia perennis mais bel et bien une philosophie à part entière.
Il a fallu attendre 1986 et la publication des trois volumes des œuvres philosophiques d’al-Fārābī par Rafīq al-ʿAǧam (Dār al-Mašriq, Beyrouth) pour que soit rétablie l’importance majeure de cet auteur en philosophie.